Page:Scribe - Piquillo Alliaga, ou Les Maures sous Philippe III, 1857.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
193
piquillo alliaga.

Malgré la douleur que devait causer la blessure, il avait arraché les longs et solides rideaux de damas.

— Rien, madame, ne faites pas attention, dit le duc en fermant la porte principale, dont il retira la clé, c’est M. le corrégidor qui se rend chez lui.

Aïxa jeta autour d’elle un regard d’effroi. Elle se trouvait seule, la nuit, avec cet homme qu’elle ne connaissait pas. Elle n’avait, il est vrai, aucune raison de se défier de lui ; au contraire, il venait de la servir avec zèle, dévouement et surtout intelligence.

Et cependant Aïxa tremblait.

Elle se rassura peu à peu en le voyant revenir près de la cheminée et s’asseoir tranquillement. D’ailleurs on entendait encore dans le château le bruit des domestiques qui montaient, descendaient et traversaient les corridors, le bruit des portes qui se fermaient, enfin tout le mouvement qui, même après l’heure du repos, règne longtemps encore dans une vaste et nombreuse maison. Aïxa se hasarda à adresser la parole à l’étranger :

— Vous venez, monsieur, de nous aider bien généreusement.

— Oui, la scène a été chaude,

— Et difficile.

— Surtout quand on n’est pas prévenu et qu’on est obligé d’improviser…

— Je ne vous demanderai pas, monsieur, comment vous vous êtes trouvé là… si à propos pour nous rendre ce service…

— Franchement, madame, je l’aime autant.

— Et pourquoi ?

— Parce que je vous demanderais comment il s’est trouvé que vous ayez besoin qu’on vous rendît service… et ce serait peut-être indiscret.

— Non pas… mais trop long à vous raconter.

— Vous avez raison, madame. Il est tard… vous avez sans doute besoin de dormir… et moi aussi !… surtout quand on a bien soupé.

— Oui, monsieur… mais permettez-moi de vous dire…

— Ne faites pas attention à moi… je suis très-bien dans ce fauteuil.