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piquillo alliaga.

Elle se hâta… elle saisit le flacon qu’elle portait toujours sur elle.

La comtesse d’Altamira, sous prétexte de faire à son souverain son compliment de condoléance et de prendre part à sa royale douleur, la comtesse avait eu plusieurs fois l’occasion de parler au roi ; et avec ce laisser-aller, ce négligé de conversation qu’elle possédait mieux que personne, elle avait, en multipliant les réticences et les parenthèses, instruit complétement le roi des bruits d’empoisonnement qui couraient au sujet de la reine.

Quant à l’auteur d’un tel crime, quant à celui que désignait la vindicte publique, elle s’était bien gardée de lui en dire un mot. Une telle accusation eût été suspecte dans sa bouche. Le peu qu’elle avait appris au roi suffisait déjà pour le préoccuper au delà de toute expression, et, selon son habitude de tout dire au duc de Lerma, il lui parla de ces bruits.

Le duc parut d’abord surpris et contrarié que le roi en fût instruit ; puis, voyant qu’il ne savait rien ou presque rien, et qu’il ignorait même les accusations portées contre lui, il haussa les épaules, et répondit que Sa Majesté était bien bonne de s’occuper d’absurdités et de calomnies pareilles. Le roi, qui ne demandait qu’à être rassuré et qui redoutait même l’apparence d’une inquiétude, se contenta de cette réponse, et rentra dans son calme habituel.

Sa première douleur était passée, et son amour pour Aïxa avait repris toute sa force ; il n’avait plus maintenant qu’une seule pensée et un seul but, se faire aimer d’Aïxa. Tout ce qui pouvait le distraire de cette occupation lui paraissait odieux et intolérable. On pouvait donc, ainsi que nous l’avons dit, détourner son attention des affaires d’État, et le duc de Lerma croyait plus que jamais pouvoir compter sur l’apathie de son souverain ; mais la tranquillité royale fut soudainement troublée par un petit billet que le monarque trouva sur son bureau.

Ce billet était ainsi conçu :

« Si le roi veut avoir des détails certains sur l’empoisonnement de la reine et sur le véritable auteur de ce crime ; s’il tient à connaître les dangers qui