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piquillo alliaga.

Au moment où M. Latorre, redoublant d’efforts et d’énergie, venait de détacher la main d’Alliaga de son seul appui.

Aussi ne prononçait-il leurs noms qu’avec des signes visibles de mécontentement et de dépit.

Un matin, au lieu de s’apaiser, l’accès redoubla. Latorre entendit sonner avec tant de violence qu’il accourut épouvanté. Le roi, dans un état difficile à décrire, pâle, hors de lui-même, les traits décomposés et la voix si émue qu’il pouvait à peine parler, le roi lui ordonna de courir à l’instant même à l’hôtel de don Fernand d’Albayda, et de lui dire de se rendre au palais.

Pendant que le fidèle serviteur s’acquittait de ce message, le roi relisait de temps en temps et froissait avec rage un petit papier qu’il avait encore trouvé sur son bureau et qui était ainsi conçu :

« On s’est joué indignement de Votre Majesté. La nuit même où le roi attendait la duchesse de Santarem, celle-ci partait, en voiture de poste, en tête-à-tête avec don Fernand d’Albayda. Tous deux se rendaient en secret à Valence, où, dans ce moment, ils doivent être mariés ! »

Le pauvre roi aurait fait pitié, même à ses plus cruels ennemis. La colère, la jalousie, le mépris, bouleversaient toutes ses facultés. Il était à moitié fou, et cependant il ne pouvait croire encore à tant de perfidie, et quand Latorre revint :

— Eh bien ! lui dit-il en l’interrogeant du regard plus encore que de la voix, Fernand d’Albayda est sur tes pas, il te suit ?

— Non pas, sire ; il n’est pas à Madrid.

— Et où est-il donc ? dit le roi, dont tous les traits étaient contractés par une agitation convulsive.

— Il est, dit-on, parti pour Valence !

— Et depuis quand ?

— Depuis trois jours.

Le roi poussa un cri de douleur. Puis il dit au valet de chambre :

— Laisse-moi ! laisse-moi !

Il se livra alors à tout son désespoir, à toute sa rage. Il jura de se venger sur Fernand, mais surtout sur Aïxa et sur tous les siens. Il rêvait, il cherchait dans