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piquillo alliaga.

Le roi restait donc absorbé devant ce billet.

— Eh bien ?

— Ils ont dû se rencontrer, ils ont pu se parler.

— C’est possible. J’examinerai et je le saurai.

Le lendemain les membres du saint-office étaient tous à leur poste, car on leur avait annoncé une communication de Sa Majesté.

Le premier ministre fut introduit. Il salua respectueusement le tribunal, puis le grand inquisiteur ; Alliaga crut leur voir échanger un regard d’intelligence.

Le duc déclara d’un ton sec et hautain qui eût indisposé les juges les mieux intentionnés, que la volonté de Sa Majesté Catholique était qu’on ne donnât aucune suite au procès du Maure Yézid et d’Aïxa, duchesse de Santarem.

L’inquisiteur se leva, et déployant une arrogance qui paraîtrait inconcevable, si l’on ne savait qu’avec un roi tel que Philippe III, et même avec d’autres princes plus puissants que lui, l’Église se regardait alors comme bien au-dessus du trône, l’inquisiteur déclara que le saint tribunal était déjà saisi de l’affaire ; qu’il n’y avait pas d’exemple que le roi eût jamais entravé le cours de la justice dans les tribunaux ordinaires ; pourquoi donnerait-il l’exemple d’une telle violation dans un saint tribunal, devant lequel s’agitaient, non les intérêts de la terre, mais ceux du ciel ; que lui, l’archevêque de Valence et grand inquisiteur, savait tout le respect qu’il devait à Sa Majesté le roi d’Espagne, mais qu’il devait aussi obéissance à un maître plus puissant encore, au roi des cieux, au Christ lui-même, dont il défendait la cause, et que, quelque danger qu’il pût en résulter, il ne le trahirait jamais.

Voyant que le duc d’Uzède, au lieu de répondre et de rétorquer les arguments du prélat, les écoutait dans un silence respectueux et presque approbatif, Alliaga, ne pouvant contenir son impatience, s’écria d’une voix un peu émue :

— Ainsi donc, Son Excellence entend résister aux ordres du roi ?

— J’entends défendre les priviléges de l’inquisition répondit Ribeira avec hauteur. Quiconque consent à