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piquillo alliaga.

Partout des montagnes couronnées par des milliers d’ennemis qui nous écrasaient sous des quartiers de rochers.

— Mon père !

— Où est-il ? s’écria Alliaga, où l’avez-vous laissé ? et, loin de nous, que lui reste-t-il ?

— Il ne lui reste pas même un tombeau ! répondit Aïxa. C’est dans les bras de sa fille qu’il a été massacré. Les flots de la mer ont recu son corps, et il ne reposera point sur la terre d’Espagne, qu’il aimait tant !

Elle lui raconta alors les derniers crimes de Juan-Baptista.

— Ah ! dit Alliaga en levant les yeux au ciel, mon père, vous serez du moins vengé !

Les moments étaient précieux ; il n’avait que le soir de cette journée pour tout disposer. Il rassura Aïxa et Yézid, leur promit que le lendemain ils seraient libres tous deux, et tous deux loin de Pampelune. Il remettait à leur parler plus tard de ses plans, de ses espérances et du projet qu’il n’abandonnerait jamais, de rendre à ses frères leur patrie.

Il embrassa de nouveau son frère et sa sœur bien-aimés, et malgré l’heure, qui le pressait de partir et d’aller veiller à leur délivrance, il ne pouvait se résoudre à quitter Aïxa.

Seulement alors, et à la faible lueur de la lampe qui éclairait ce vaste appartement, il s’aperçut pour la première fois du changement de ses traits et recula effrayé. Hélas ! tant de tourments l’avaient accablée ; les scènes horribles du vaisseau, celles du couvent des Annonciades et celles de cette journée, le bûcher dressé pour elle, les cris, les outrages, les menaces de la multitude, c’était plus qu’une femme n’en pouvait supporter, et Aïxa y avait résisté, et son courage, plus grand que ses forces, l’avait soutenue jusque-là.

— Ma sœur ! s’écria Alliaga, ma sœur, tes maux vont finir !

Elle le remercia d’un sourire mélancolique et doux, et lui dit :

— Oui, bientôt… bientôt, je l’espère.

Alliaga courut s’entendre, pour le lendemain, avec Fernand et Pedralvi. Les troupes du capitaine Juan--