saisissant ce qui restait du plat à moitié entamé, le porta avidement à sa bouche.
qui baissait les yeux et rougissait.
— Piquillo, s’écria Aïxa… y pensez-vous !
— Oui, senora, j’y pense, dit froidement Piquillo.
Et maître Pablo, qui venait de l’apercevoir, s’écria avec un accès ce rage :
— Voyez-vous, dans un pareil moment ! le gourmand !… le larron ! le mauvais sujet ! mais il sera puni par sa faute elle-même ! c’est Dieu qui s’apprête à le châtier.
— Au nom du ciel ! dit Aïxa en l’interrompant, ne pensez qu’à votre maîtresse… courez lui chercher du secours.
— Il n’y en a pas, à ce que dit le chef… tout est inutile… c’est mortel… et surtout si rapide ! dans une heure tout sera fini !…
— C’est juste, murmura à demi-voix Aïxa, j’ai entendu dire que c’était ainsi.
— C’est égal, reprit maître Pablo, comprenant la sottise qu’il venait de faire, et se ravisant un peu tard… c’est égal… il est peut-être temps encore… dites-moi, senora, ce qu’il faut faire…
— Rien… rien ! répondit Aïxa en entendant la voiture de don Juan d’Aguilar qui rentrait en ce moment… laissez-nous, et ne dites rien à monseigneur… entendez-vous ?
Maitre Pablo s’inclina et sortit. Aïxa, pressant les mains de Carmen, qui commençait à revenir à elle :
— Ma sœur, ma sœur, lui dit-elle, en voulant lui donner une confiance qu’elle-même n’avait pas… ils se trompent, j’en suis sûre, j’en ai l’espoir…
— Le crois-tu ? s’écria vivement Carmen.
— Oui… oui… je te le jure. Mais, quand même ils diraient vrai, que ton père ne se doute de rien ! Si nous avons encore une heure à vivre, elle lui appartient ; qu’il ne la passe pas dans les angoisses et les tourments… quand le ciel nous permet de lui donner encore quelques instants de joie et de bonheur.
— Tu as raison, dit Carmen en cherchant à ranimer