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piquillo alliaga.

son courage, j’étais faible… je ne le serai plus… mais mourir si jeune ! ma sœur !…

Il prenait ses mesures avec un soin et une lenteur qui désespéraient Piquillo.

Tu te plains, répondit Aïxa avec une fermeté stoïque, et tu peux embrasser ton père !… et moi, dit-elle en élevant les yeux vers le ciel…

— C’est vrai !… c’est vrai !… s’écria Carmen, mais, moi du moins, je suis là…

Elle lui tendit les bras, Aïxa s’y précipita.

Et après ce dernier adieu, les deux jeunes filles, essuyant leurs larmes, l’air serein et le sourire sur les lèvres, s’avancèrent au-devant du vieillard, qui entrait en ce moment.

— Ah ! vous voilà toutes deux, s’écria-t-il d’un air joyeux… j’en suis charmé ; je vous apporte des nouvelles qui m’ont mis en belle humeur et qui produiront le même effet sur vous. Une folie… une extravagance à laquelle j’étais loin de m’attendre ! Qui croyez-vous que je viens de rencontrer ? le fils de Matéo Vasquès, un ancien secrétaire de Philippe II… immensément riche, ma foi… qui m’a parlé de Carmen… ma fille… de manière… oui, vraiment…

Et le vieillard se prit à rire avec une gaieté si franche que Carmen en tressaillit.

— Eh quoi ! dit son père, qui vit ce geste, te doutes-tu de quelque chose ? Eh bien, oui ! moi qui te regardais comme un enfant… il paraît qu’on a d’autres yeux que moi !… Matéo Vasquès aurait des idées d’alliance… Rassure-toi, ma fille, et ne tremble pas ainsi. Je l’ai remercié de l’honneur qu’il nous faisait… mais j’ai d’autres vues… et puis, Dieu merci… je ne veux pas encore me séparer de mon enfant ! elle restera avec moi… elle y restera longtemps… ainsi que toi, ma bien-aimée Aïxa !… Aussi, je ne veux pas entendre parler de maris qui viendraient vous enlever l’une ou l’autre à ma tendresse : qu’est-ce que je deviendrais donc sans vous, mes enfants ? si je vous perdais… je mourrais !

Carmen poussa un cri de douleur, et Aïxa sourit en tendant la main au vieillard.

— Eh bien ! eh bien ! qu’a-t-elle donc ?… Quelle folie