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piquillo alliaga.

Il revint s’asseoir mystérieusement près de la comtesse,
qu’il écouta d’un air importun et affairé.

— Que je le voie encore avant de mourir ! qu’il vienne, qu’il vienne ! s’écria-t-elle en joignant les mains, dût-il venir, comme mon juge, m’annoncer ma condamnation et mon châtiment.

— Il viendra ! je vous le promets !

— Il existe donc ?

— Il existe et viendra vous apporter, non le châtiment, mais la consolation et l’oubli.

— Vous le connaissez donc, seigneur cavalier ?

— Je le connais.

— Et vous êtes sûr qu’il ne me maudira pas ?

Alors Piquillo, levant les yeux au ciel, s’écria :

— Il vous a déjà pardonné… et vous bénit, ma mère !…

La Giralda poussa un cri de terreur, et Piquillo étendit la main sur la coupable, qui courbait la tête devant lui.

— Fille d’Alliaga, lui dit-il, fille du brave soldat maure, vous pouvez maintenant prier votre père.

— Oui… oui, je ne l’osais plus ! je l’oserai maintenant.

— Quant à votre fils, il ne saura rien du passé… rien de ce que vous avez raconté à l’étranger… Il ne se rappellera qu’une chose, c’est que vous êtes sa mère !

Alors la Giralda éperdue, attendrie, se jeta à ses pieds qu’elle baigna de ses larmes, et quand il l’eut relevée et serrée dans ses bras, ses sanglots étouffèrent sa voix ! Elle ne pouvait que répéter : Mon fils… mon fils… Elle ne se lassait pas de le regarder… de l’admirer, de le couvrir de ses baisers en s’écriant : Que je meure maintenant, j’ai revu mon fils… mon fils m’a pardonné !

— Et moi, dit timidement la vieille femme, qui jusque-là s’était tenue dans un coin, à l’écart, et que tout le monde semblait oublier.

— Vous ! ma grand’mère !… lui dit Piquillo avec bonté…

À ce nom, la pauvre femme tressaillit de joie.

— Il faut bien aussi ne plus vous en vouloir, puisque tout ce que vous avez fait, dites-vous, était pour mon bien, pour me donner une meilleure éducation… et