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piquillo alliaga.

je commence à croire que vous aviez raison. Ah ! si vous aviez été heureuse… et opulente, c’eût été différent : j’aurais renoncé à la succession… mais vous êtes dans la misère, vous avez besoin de moi… vous êtes de la famille… asseyez-vous donc, ma grand’mère, et causons de nos affaires.

Vous n’enlèverez pas ma fille, s’écriait la vieille femme.

Urraca, enchantée, avait déjà repris son insouciance et sa gaieté.

Quant à la Giralda, elle ne parlait pas… mais elle regardait son fils, et ne quittait point sa main, qu’elle tenait serrée dans les siennes.

— Ma mère, dit Piquillo, je ne suis pas bien avancé, car, d’aujourd’hui seulement, je commençais ma fortune ! j’étais décidé à travailler pour moi !… je travaillerai pour deux !

En entendant un soupir que venait de pousser la senora Urraca, il ajouta en la regardant :

— Pour trois !…

La vieille femme reprit son air serein et écouta son petit-fils, qui continua en ces termes :

— Je n’ai rien ! pas un maravédis de rente… mais j’ai une bonne place, des amis dévoués…

Et il donna en lui-même un regret et un soupir à Aïxa.

— J’ai de plus un protecteur puissant, le vice-roi de Pampelune, don Juan d’Aguilar, qui, j’en suis sûr, me poussera dans le monde, et comme j’ai du courage, de l’ardeur, de l’éducation et des talents, je compte bien faire mon chemin ; je ne parlerai pas de vous à mes protecteurs… cela ne servirait ni à vous ni à moi… mais il est une chose que je vous demanderai, parce qu’elle peut grandement influer sur ma fortune, sur mon avenir, et par conséquent sur le vôtre, ma mère, dit-il en regardant la Giralda : Quel est mon père ?

À cette question si naturelle et si simple, les deux femmes restèrent interdites, se regardant toutes les deux avec inquiétude.

— Ma mère, reprit Piquillo, étonné de ce qu’il allait apprendre… je ne vous demande que son nom… pas