Page:Scribe - Théâtre, 14.djvu/298

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ROBERT.
Qu’entends-je ?
BERTRAM.
Qu’entends-je ? Et maintenant, Robert, tu me connais !
ROBERT.
Malheureux que je suis !
BERTRAM.
AIR.
Malheureux que je suis ! Jamais, c’est impossible,
Ton malheur, ô mon fils, n’égalera le mien.
Notre tourment à nous, c’est de vivre, insensible,
De ne pouvoir aimer, de n’aimer jamais rien.
Tel est l’enfer. Eh bien ! quand le souverain maître
Eut lancé dans l’abîme un ange révolté,
Dans mon cœur un instant le repentir vint naître ;
Et ce Dieu dans sa bonté,
Dans sa vengeance peut-être,
Me permit d’aimer ! oui, depuis ce jour cruel,
Où par toi seul, Robert, mon cœur a pu connaître
Les craintes, le bonheur, les tourmens d’un mortel ;
Et toi seul à présent es ma vie et mon être.
Ô mon fils ! ô Robert ! ô mon unique bien !
D’un seul mot va dépendre et ton sort et le mien !
Je t’ai trompé, je fus coupable :
Tu sauras tout : avant minuit,
Si tu n’as pas signé ce pacte irrévocable
Qui pour l’éternité tous les deux nous unit,
Ce Dieu qui me poursuit, ce Dieu qui nous accable,
Reprend sur toi tout son pouvoir ;