Page:Scribe - Théâtre, 15.djvu/477

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M. DE BUSSIÈRES.

Enfin, ce qu’il y a de certain, c’est que tous deux nous sommes bien à plaindre.

MADAME DE BLANGY.

Bien malheureux.

M. DE BUSSIÈRES.

Et vous le dirai-je ? voilà le premier soulagement que j’ai trouvé en ma douleur, c’est de penser qu’il y a quelqu’un qui l’éprouve…

MADAME DE BLANGY.

Et surtout qui peut le comprendre ; car, jusqu’à présent, je n’ai trouvé que des cœurs froids, indifférens, qui me reprochaient ma tristesse, qui semblaient m’en faire un crime. Quelle folie ! quelle extravagance ! disaient-ils, comme si c’était ma faute, à moi, si je suis malheureuse ! Mais on fuit la douleur, on la craint ; il est plus facile de blâmer ses amis que de pleurer avec eux.

M. DE BUSSIÈRES.

Votre histoire est exactement la mienne. Parmi tous ces jeunes gens à la mode, tous ces intimes à qui je donnais à dîner, je n’en ai pas trouvé un seul qui eût le temps de s’affliger avec moi… Ils s’éloignent tous sous prétexte qu’ils ont leurs affaires, leurs plaisirs, leurs maîtresses. (Pleurant.) Moi je n’en ai plus, j’ai tout perdu.

MADAME DE BLANGY.

Pauvre jeune homme !

M. DE BUSSIÈRES.

Aussi j’ai pris le séjour de Paris en horreur ; j’ai juré dès aujourd’hui de n’y plus rentrer.