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Page:Scribe - Théâtre, 4.djvu/27

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à nous unir, à condition que son élève lui succéderait et prendrait son fonds de boutique ; mais lui qui était jeune, qui avait de l’ardeur, qui ne demandait qu’à parvenir, n’a pas voulu être perruquier : il aspirait à être coiffeur ; et mon oncle, qui tenait à la poudre et aux anciennes idées, s’est brouillé avec lui, et ils ne se voient plus.

MADEMOISELLE DESROCHES.

Et qu’est devenu ton amant ?

JUSTINE.

Il est devenu un monsieur comme il faut, un artiste à la mode ; il demeure rue Vivienne ; il a un salon pour la coupe des cheveux, et une école de perfectionnement ; il s’appelle M. Alcibiade.

MADEMOISELLE DESROCHES.

Alcibiade ! c’est un beau nom.

JUSTINE.

Et puis il est si joli garçon, si aimable, et il a tant de talent ! Aussi je trouve tout naturel qu’il ait de l’ambition, et qu’il cherche à faire fortune. Vous sentez bien qu’il serait plus agréable pour moi d’être dans un beau salon, avec des miroirs et des meubles en acajou. Mais j’ai peur que toutes ces splendeurs ne l’éblouissent, que l’huile de Macassar ne lui porte à la tête, et qu’il ne finisse par m’oublier.

MADEMOISELLE DESROCHES.

Allons, ne vas-tu pas être jalouse ?

JUSTINE.

Écoutez donc ; il coiffe le faubourg Saint-Germain, la Chaussée-d’Antin, et même la nouvelle Athènes !