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Page:Scribe - Théâtre, 4.djvu/42

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quand je t’ai accueilli dans ma boutique, tu ne savais pas seulement faire une barbe !

ALCIBIADE.

Je suis votre élève, il est vrai ; depuis longtemps j’ai surpassé mon maître : mais vous, votre génie stationnaire n’a pas avancé d’un pas, et vous ne sortirez jamais de vos perruques.

POUDRET.

Oui, certes, j’y resterai, et je m’en fais gloire. La perruque est la base fondamentale de tout le système capillaire : la perruque exerce sur les arts une influence qu’on ne peut nier ; c’est sous la perruque qu’ont brillé les plus beaux génies dont s’honore la France ! Racine, le tendre Racine, que portait-il ? perruque ! Molière, l’immortel Molière, perruque ! Boileau, Buffon ? perruque ! perruque ! Voltaire, M. de Voltaire lui-même, perruque ! Il me semble encore le voir, cet excellent M. Arouet de Voltaire, le jour fameux où, tout jeune encore, je fus admis à l’honneur de l’accommoder : il tenait en main la Henriade, et moi, je tenais mon fer à papillotes ! Nous nous regardions ; il souriait : il aimait tant à encourager les arts ! C’est lui qui disait à un de nos confrères : « Faites des perruques ! faites des perruques ! »

ALCIBIADE.

Et vous croyez, monsieur, que de nos jours…

POUDRET.

Je vous devine : vous me direz peut-être qu’aujourd’hui il y a encore des têtes à perruque à l’Académie, c’est possible ; mais elles ne sont pas de cette force-là.