Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/102

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faudra bien autre choſe pour cela. Perinthe craignant effectivement que Doraliſe n’allaſt dire à la Princeſſe ou à quelque autre, le trouble qu’elle avoit remarqué dans ſon eſprit, la pria qu’elle trouvaſt bon qu’il luy redonnaſt la main : & alors pliant les branches des Cyprés, & paſſant du coſté où nous eſtions, il ſe mit à conjurer Doraliſe tout bas, de ne dire à qui que ce ſoit, le deſordre qu’elle avoit remarqué dans ſon ame. je le veux bien, luy dit elle, pourveu que vous m’en apreniez la veritable cauſe, ou pour mieux dire que vous me l’advoüyez : car à vous parler avec ſincerité (adjouſta t’elle en le regardant fixement) je vous crois amoureux de la Princeſſe. Ha Doraliſe, s’eſcria t’il, je penſe que vous avez perdu la raiſon ; ha Perinthe, repliqua t’elle, la voſtre ſi je ne me trompe, eſt plus eſgarée que la mienne. je voy bien, luy dit il finement, qu’apres cela il faut que je me confie à voſtre diſcretion : mais au nom des Dieux Doraliſe, ne me deſcouvrez pas je vous en conjure. je vous le promets, luy dit elle, pourveu que vous ſoyez ſincere ; sçachez donc, pourſuivit Perinthe, que le Prince de Claſomene ayant sçeu comme toute la Cour, que le Prince Mexaris & Abradate eſtoient tous deux amoureux de Panthée, a eu beaucoup de joye du premier, & beaucoup de douleur du ſecond : & c’eſt pour cela qu’il m’a commandé abſolument, de deſcouvrir ſi je pouvois, les veritables ſentimens de la Princeſſe ſa Fille, & d’empeſcher, s’il eſtoit poſſible, qu’Abradate ne luy parlaſt en particulier devant ſon départ. Cependant, adjouſta t’il, je puis vous jurer que je n’ay pas dit la moindre choſe de la Princeſſe au Prince ſon Pere : car l’honnorant au point que je fais, je n’ay garde de vouloir eſtre ſon Eſpion.