Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/113

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e le panure Perinthe malgré qu’il en euſt, fermaſt ſa Lettre devant eux, qui le voulurent ainſi : & qu’il la donnaſt à celuy qui la devoit porter, & qui la porta en effet. Cependant Perinthe m’a dit depuis, qu’il eut une douleur ſi ſensible de cette advanture, qu’il en penſa deſesperer : ne ſuis-je pas bien malheureux, diſoit il, qu’il faille que ce ſoit par mon moyen qu’Abradate eſcrive la premiere fois à la Princeſſe que l’aime ? que sçay-je encore, adjouſtoit il, ſi elle ne s’imaginera point que je luy ay rendu cét office volontairement : & que je ſuis le confident de la paſſion d’Abradate ? Au nom des Dieux adorable Panthée (s’eſcrioit il, comme ſi elle l’euſt pû entendre) ne me faites pas cette injuſtice, de croire que je ſerve jamais ce Prince aupres de vous : c’eſt bien aſſez que vous ne croiyez pas que je vous ayme, ſans croire encore que je veux que vous en aimiez un autre. Mais Perinthe, reprenoit il tout d’un coup, n’as tu pas reſolu de te contenter de l’eſtime de ta Princeſſe ? n’as tu pas fait deſſein de ne luy deſcouvrir jamais ton amour ? & ne sçais tu pas bien que tu ne peux jamais avoir de pan à ſon affection ? pourquoy donc n’es tu pas ſatisfait des loüanges qu’Abradate te donne, puis que du moins elles peuvent ſervir à augmenter l’eſtime qu’elle fait de toy ? ſi les louanges des Ennemis ſont glorieuſes & cheres ; pourquoy celles d’un Grand Prince ne te le ſeroient elles pas ? Mais helas ? ce grand Prince, reprenoit il, eſt mon Rival : & un Rival encore, qui ſelon les apparences, ſera aimé de ma Princeſſe. Ne nous eſtonnons donc plus, de la colere que nous avons, d’avoir eſté contraints de le loüer, & de recevoir ſes loüanges. Apres, quand il venoit à penſer, que la Princeſſe reſpondroit dans ſa Lettre, à ce qu’Abradate luy avoit eſcrit ; & qu’il ſeroit contraint de donner cette joye a ſon Rival,