Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/126

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celuy des autres : excepté… Mexaris s’arreſta à ces paroles : peut-eſtre bien fâché d’en avoir plus dit qu’il ne vouloit : mais il n’eſtoit plus temps, car de l’air dont il avoit prononcé ces derniers mots, la Princeſſe s’en offença de telle ſorte, qu’elle ne pût s’empeſchor de luy en donner des marques. Il eſt vray (repliqua Panthée, à l’inſolent diſcours de Mexaris) qu’il y a peu de cœurs que je vouluſſe accepter quand on me les offriroit : & plus vray encore que ſi je donne jamais le mien, ce ſera à une Perſonne ſi illuſtre, que cette liberalité ne me fera pas paſſer pour prodigue. Quoy Madame (reprit Mexaris, qui vouloit racommoder la choſe) je pourrois eſperer que voſtre cœur ne ſeroit pas encore donné ? Ce mot d’eſperer, luy dit elle, n’eſt pas en ſon lieu : car ſoit que mon cœur ſoit donné, ou qu’il ne le ſoit pas, ceux qui m’outragent n’y doivent point pretendre de part. je ne sçay pas qui ſont ceux qui ſelon vous, vous outragent, reprit il ; mais je sçay bien que ſelon moy, ce ſont ceux qui vous aiment ſans en eſtre dignes. j’en tombe d’accord, luy dit elle, & c’eſt comme cela que je l’entends. Nous ne nous entendons pourtant point, reprit il, car vous voulez parler de Mexaris, & je veux parler d’Abradate : qui tout exilé qu’il eſt, oſe lever les yeux vers vous. Abradate a l’honneur de vous eſtre ſi proche, repliqua t’elle, que vous ne pouvez l’offencer, ſans vous offencer vous meſme, c’eſt pourquoy je ne le deffends pas : cependant, Seigneur, je vous ſuplie de ne trouver pas mauvais ſi je vous dis franchement, que ſi je puis diſposer de moy, je ne recevray plus de viſites de vous. je le veux bien, luy dit il en ſe levant, mais en eſchange j’en rendray au Prince voſtre Pere, qui me ſeront peut-eſtre plus avantageuſes.