faire ſans doute que je ne poſſede pas Panthée : mais cette Fortune ne doit rien changer dans ſon cœur & dans ſes ſentimens, qui eſt ce que je veux sçavoir. Comme je ne luy ay pas demandé preciſément ce qu’elle penſoit de vous, repliqua Doraliſe, je ne pourrois pas vous dire rien avec certitude : & tout ce que je puis, eſt de vous aſſurer que connoiſſant Panthée auſſi judicieuſe qu’elle eſt, j’ay ſujet de croire que ſi vous ne reüſſissez pas dans voſtre deſſein, ce ſera pluſtost par le caprice d’autruy, que par averſion qu’elle ait pour vous. Abradate connut bien que Doraliſe ne vouloit pas s’ouvrir davantage : mais il ne laiſſa pas de juger qu’elle sçavoit qu’il ſeroit traverſé dans ſon amour. Cependant cette Fille ne manqua pas le lendemain au matin de venir chez la Princeſſe, pour luy dire tout ce que ce Prince luy avoit dit, & pour sçavoir d’elle ce qu’elle vouloit qu’elle luy diſt : car elle prevoyoit bien, qu’apres cette converſation, elle en auroit d’autres aveque luy ſur ce meſme ſujet. Vous luy direz touſjours, reprit la Princeſſe, que vous ne sçavez point mes ſentimens : & vous ne : vous chargerez d’aucune choſe pour me dire de ſa part. Mais Madame, reprit Doraliſe, je puis dire ce que vous voulez que je die d’un air ſi different, que je ſerois bien aiſe que vous me fiſſiez l’honneur de m’expliquer un peu mieux vos intentions. Ha pour le ſon de voſtre voix, repliqua Panthée en ſous-riant ; je penſe qu’il n’eſt pas neceſſaire que je le regle : puis que je ne croy pas qu’il y ait une perſonne au monde qui poſſede plus parfaitement que vous, l’art de dire des choſes fâcheuſes, ſans dire de paroles rudes : ny qui s’exprime auſſi plus flatteuſement, ſans dire meſme de grandes flatteries. Vous ne voulez pas du moins Madame, reprit Doraliſe qu’en diſant au
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