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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/142

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liberté qu’elle luy en donnoit s’apercevant qu’elle avoit ſoupiré, prit un viſage plus ſerieux : de ſorte que Panthée luy ayant apris ce que le Prince ſon Pere luy avoit dit, elle connut qu’en effet il faloit aporter beaucoup de circonſpection à parler à Abradate. Car elle jugeoit bien qu’il n’eſtoit pas à propos, de luy faire connoiſtre que Mexaris eſtoit celuy qui traverſoit ſon deſſein ſecrettement : de peur des fâcheuſes ſuittes que la choſe pourroit avoir ? & elle connoiſſoit auſſi, que la Princeſſe n’euſt pas voulu que ce Prince euſt creû qu’elle l’euſt mépriſé : ſi bien que Doraliſe ſe chargeant de la conduitte de cette petite negociation, s’en aquita avec une adreſſe admirable : eſtant certain que durant quelques jours elle ſuspendit de telle ſorte l’eſprit d’Abradate, qu’il ne sçavoit que penſer.

Cependant Perinthe qui avoit oüy de la bouche de la Princeſſe, qu’elle ne trouvoit rien de plus extravagant que l’amour, entre perſonnes meſgales, en eut une douleur ſi forte, qu’il falut pluſieurs jours pour diſſiper la melancolie que ces paroles, dittes ſans deſſein avoient miſe dans ſon ame. En effet ſon chagrin fut ſi exceſſif, que tout le monde s’aperçeut du changement de ſon humeur : La Princeſſe meſme y prit garde : & comme il eſtoit un matin chez elle, & que Doraliſe y eſtoit auſſi, Panthée luy demanda ſi dans l’opinion qu’elle avoit que l’Amour ſeul faiſoit les honneſtes gens, elle croyoit encore que quand lis ceſſoient d’aimer, ils perdiſſent quelque choſe de ce qu’ils avoient d’aimable ? car ſi cela eſt, dit la Princeſſe, il faut conclurre que depuis quelques jours Perinthe n’aime plus : puis qu’il eſt vray que ſa converſation n’eſt plus ce qu’elle a accouſtumé d’eſtre. Non non Madame, dit Doraliſe, la choſe n’eſt