Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/147

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quand ils m’y forceront. Ha Abradate, luy dit elle, ne m’obligez pas à vous faire des leçons, au lieu de vous donner des loüanges : aſſurez moy du moins, repliqua t’il, que la joye que vous avez de ce que j’ay fait, n’eſt pas cauſée de ce qu’en agiſſant comme l’ay agy, je n’ay pas eſloigné le Prince Mexaris : je vous en aſſure, reſpondit elle, & ſans pretendre meſme que vous m’en ayez de l’obligation. Mais auſſi faites moy la grace de me promettre, que vous eſviterez autant qu’il vous ſera poſſible, d’avoir rien à demeſler avec ce Prince : pour le pouvoir faire Madame, repliqua t’il, il faudroit que je fuſſe aſſuré que la Princeſſe de Claſomene me fuſt favorable ; car ſans cela j’auouë que je ne puis pas reſpondre que le deſespoir ne me porte à me vanger ſur mon Rival, de toutes les rigueurs de ma Maiſtresse. Ce ſeroit eſtre fort injuſte, repliqua t’elle de punir celuy qui n’auroit point failly : c’eſt pourquoy il vaudroit mieux, adjouſta t’elle en rougiſſant, abandonner cette ſevere Perſonne. Ouy ſi je le pouvois ſans perdre la vie, interrompit Abradate, mais Madame, je ne vous aime pas ſi peu, que je puiſſe ſeulement deſirer de vous aimer moins : au contraire, quoy que je vous aime autant que je le puis, il me ſemble que je ne vous aime pas encore aſſez. je vous ſerois pourtant bien obligée, reprit elle, ſi vous me voiyez avec un peu plus d’indifference : croyez Madame, repliqua t’il, que vous ne me remercierez jamais de vous avoir donné cette ſatisfaction : mais inhumaine Perſonne que vous eſtes, adjouſta ce Prince affligé, eſt il poſſible que la plus pure & la plus reſpectueuse paſſion qui ſera jamais vous puiſſe offencer ? ſi elle ne m’offence pas, repliqua t’elle, il faut du moins advoüer qu’elle