Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/151

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Mexaris. Cependant depuis que Panthée & Abradate ſurent aſſez bien enſemble pour pouvoir parler de leurs intereſts, elle voulut qu’il fuſt un peu moins aſſidu chez elle, afin qu’elle peuſt perſuader au Prince ſon Pere, qu’elle luy avoit obeï, pour ce qui regardoit Abradate : & qu’elle euſt plus de raiſon de luy reſister, en cas qu’il vouluſt la preſſer de conſentir au Mariage de Mexaris & d’elle. Il ne laiſſoit pourtant pas de la voir tous les jours : car ſi ce n’eſtoit chez elle, c’eſtoit chez la Princeſſe de Lydie, & meſme quelqueſfois chez Doraliſe. Les choſes ſurent donc ainſi, juſques à ce que le Prince Abradate perdit un grand apuy, en la perſonne de Cleandre : qui comme vous ne l’ignorez pas, fut arreſté priſonnier. Cét accident aporta un deſordre ſi grand dans la Cour, que je ne vous le sçaurois extrimer : car à la reſerve de Mexaris, qui le regardant comme le protecteur de ſon Rival, fut bien aiſe de ſa diſgrace ; il n’y eut aſſurément perſonne qui n’en jettaſt des larmes : & qui n’accuſast Creſus de beaucoup de precipitation & d’injuſtice, de s’eſtre laiſſé porter à ſoubçonner ſi legerement un homme à qui il devoit tant de victoires. Mais à peine nos larmes mes eſtoient elles eſſuyées pour Cleandre, qu’il en falut verſer d’autres pour la Princeſſe Palmis que l’on arreſta auſſi, & que l’on mena à Epheſe parmy les Vierges voilées. Depuis cela, Mexaris parla avec plus d’authorité qu’il n’avoit accouſtumé : & Creſus connut bien toſt que Cleandre qu’il ne vouloit pas rcconnoiſtre pour eſtre le Prince Artamas, n’eſtoit pas inutile pour le faire obeïr aveuglément & reſpectueusement, par tous les Grands de ſon Eſtat. En effet, Mexaris commença de parler de ſon mariage avec Panthée, comme d’une choſe preſques reſoluë : & comme on ne pouvoit