Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/159

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douleur fort ſensible. je ſuis bien malheureux, luy dit il, Madame, que vous ſouhaittez de moy une choſe injuſte & impoſſible : & une choſe encore que vous croyez fort equitable & fort aiſée : & qui n’eſt pourtant ny l’un ny l’autre. Quoy, interrompit Panthée, il n’y a pas quelque juſtice qu’un des hommes du monde le plus accomply, & de qui l’ame n’eſt point engagée, eſpouse une des plus aimables Filles la Terre ; & qui voulant un cœur qui n’ait jamais rien aimé, le trouvera en vous ! Mais Madame, reprit il, quand je ſerois ce que vous dittes que je ſuis, ce ne ſeroit pas encore aſſez : car Doraliſe veut eſtre aimée ; & je ne la sçaurois aimer que comme ma Sœur. Faites en du moins ſemblant, repliqua t’elle, & croyez que je vous en ſeray tres obligée : puis qu’encore que vous ne l’aimiez que comme voſtre Sœur, il pourra eſtre qu’avec le temps vous viendrez l’aimer comme voſtre Femme. je ne ſuis plus en termes de cela, reprit il, car Madame ne pouvant pas deviner le deſſein que vous aviez, je viens preſentement de luy parler avec une ardeur eſtrange en faveur d’Andramite, qui meurt d’amour pour cette Perſonne : & qui eſt non ſeulement plus honneſte homme que moy, mais de qui la fortune eſt auſſi plus conſiderable que la mienne. Ainſi, Madame, quand je pourrois me reſoudre à feindre, je feindrois inutilement, apres ce que je luy ay dit. De plus, que pourroit penſer Andramite de mon procedé : & qu’en penſeriez vous vous meſme, quand vous y auriez ſongé ? Ha Perinthe, interrompit la Princeſſe, ſi vous ne pouvez m’obeïr, du moins ne ſervez pas Andramite : car je ne veux point s’il eſt poſſible que Doraliſe ſoit mariée à Sardis.