Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/173

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eu de paſſion violente ? Il n’en faut pourtant pas accuſer l’Amour, reprit Doraliſe : qui ne donne aſſurément jamais de mauvaiſes inclinations : & comme on ne ſe pleint pas du Soleil, que je compare touſjours avec l’Amour, de ce qu’il fait naiſtre mille Beſtes venimeuſes, dans le meſme temps qu’il blanchit des Lis, où qu’il colore des Roſes : de meſme il ne faut pas accuſer l’Amour des baſſesses de quelques laſches Amans qui ſont au monde : puis qu’il inſpire cent actions heroïques, & qu’il fait pratiquer toutes les vertus à mille autres, qui ne ſeroient peut-eſtre que des hommes ordinaires ſans cette paſſion. La Princeſſe ſe mit à rire de la penſée de Doraliſe, auſſi bien qu’Abradate : mais pour Mexaris il demeura aſſez interdit : & d’autant plus, que Doraliſe continuant de parler, dit encore cent choſes où il pouvoit prendre part. Il remarqua meſme une fois, que les regards d’Abradate & ceux de Doraliſe s eſtant rencontrez, ils avoient ſous-ry d’intelligence : & qu’Abradate par une action de teſte avoit ſemblé la remercier de toutes les choſes piquantes qu’elle luy avoit dittes : ſi bien qu’ayant l’eſprit fort aigry, il ne parla plus le reſte du jour qu’à mots interrompus : & dit meſmes pluſieurs choſes aſſez dures à Abradate, qui y reſpondit avec autant de fermeté, que le reſpect qu’il vouloit rendre à la Princeſſe & à la qualité de ſon Rival le luy permettoit. Comme elle s’aperçeut aiſément du chagrin de Mexaris, elle fit ce qu’elle pût pour deſtourner la converſation : & en effet, la colere de ce Prince ſe calmant un peu en aparence, elle creut que la choſe n’auroit point de fàcheuſe ſuitte. Ils ſortirent donc de chez elle en meſme temps : car lors que Mexaris vit qu’Abradate s’en alloit, il prit auſſi congé de la Princeſſe, quoy qu’elle le vouluſt