Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/178

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il rencontra un Officier de la Princeſſe devant ſa porte, qui eſtoit ſon Amy particulier, à qui il fit confidence de ce qu’il venoit de faire : luy demandant meſme conſeil : car la penſée de cét Officier de Mexaris eſtoit, que ſon Maiſtre ſe vouloit battre contre celuy qu’il luy envoyoit querir. Mais comme cét Officier de la Princeſſe avoit plus d’eſprit que l’autre sçachant que Mexaris & Abradate eſtoient enſemble, il crëignit qu’il n’arrivaſt quelque malheur : & apres luy avoir conſeillé de retourner pluſtost au Jardin que d’achever ſon voyage ; & de dire à ſon Maiſtre qu’il avoit sçeu que celuy qu’il luy envoyoit chercher n’eſtoit pas chez luy, il entra en diligence chez la Princeſſe, qu’il trouva en converſation avec Perinthe : devant qui il ne laiſſa pas de luy dire ce qu’il venoit d’aprendre. A peine eut il dit cela, que la Princeſſe fit un grand cry, & changea ſi fort de couleur, que Perinthe ne pût pas douter qu’elle ne priſt un intereſt bien particulier en la vie d’Abradate : car il sçavoit bien qu’elle n’en pouvoit avoir d’autre en celle de Mexaris, que celuy que la pitié toute ſeule luy pouvoit faire prendre. je vous laiſſe donc à juger en quel eſtat il ſe trouva, lors regardant la Princeſſe, il vit quelques larmes tomber de ſes yeux, par la ſeule crainte de la mort d’Abradate : cependant comme elle sçavoit qu’en ces occaſions, les momens ſont precieux, elle s’aprocha de Perinthe : & le priant avec une tendreſſe extréme ; mon cher Perinthe, luy dit elle, faites que je vous aye l’obligation d’avoir empeſché qu’il n’arrive quelque malheur de cette querelle : & sçachez, pour vous obliger à eſtre plus diligent, que vous ne pouvez jamais me rendre un ſervice plus conſiderable, que celuy que je vous demande. Allez donc, je vous