Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/186

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obtint facilement ce qu’elle demandoit, & le Prince de Claſomene luy meſme euſt fait ce voyage, s’il n’euſt pas eſté adverty qu’il en demanderoit inutilement la permiſſion à Creſus. Il fut donc reſolu que Panthée iroit ſeule, & que Perinthe la conduiroit : qui comme vous pouvez penſer, reçeut cette commiſſion agreablement. Il fut pourtant fàché de laiſſer Mexaris aupres du Prince ſon Maiſtre ſans qu’il y fuſt : neantmoins la ſatisfaction qu’il avoit de voir qu’il alloit eſtre quelque temps aupres de la Princeſſe ſans y voir ſes Rivaux, l’emporta ſur toute autre conſideration. Cependant Panthée jugeant bien qu’elle auroit beſoin de conſolation durant ce voyage, dont la cauſe eſtoit ſi fâcheuſe, pria la Tante de Doraliſe, chez qui elle demeuroit, de luy donner ſa Niece ; ce qu’elle luy accorda d’autant pluſtost, que Doraliſe teſmoigna le ſouhaiter ardamment : de ſorte que dés le lendemain nous partiſmes, pour aller à Claſomene. Abradate ſentit cette ſeparation, avec une douleur eſtrange : & ce qui la luy rendit encore plus rude, fut que comme ce voyage fut fort precipité, il ne pût dire adieu en particulier à la Princeſſe : ſi bien que ce ne fut que moy qu’il sçeut qu’elle vouloit qu’il la pleigniſt dans ſon affliction, & qu’il ſe ſouvinst d’elle durant ſon abſence. je ne vous diray point, Madame, avec quelle melancolie la Princeſſe fit ce voyage, ny quelle douleur fut la ſienne, lors qu’arrivant à Claſomene, nous trouvaſmes que la Princeſſe Baſiline eſtoit ſi mal, qu’il n’y avoit plus nulle eſperance de gueriſon pour elle ; car cela ſeroit & trop long & trop ennuyeux. Mais je vous diray que quatre jours apres noſtre arrivée, nous euſmes le deſplaisir de voir mourir cette excellente Princeſſe dont Panthée ſentit la mort avec