Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/195

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point parler à la Princeſſe de ce qui nous eſtoit arrivé, de peur de luy donner de l’inquietude : mais qu’il faloit flatter Perinthe, & taſcher meſme de luy faire dire preciſément tout ce qu’il penſoit. Nous ne peuſmes pourtant pas en trouver l’occaſion bien promptement, car perſonne de chez la Princeſſe ne vit Perinthe de tout ce jour là : ce n’eſt pas qu’il fuſt allé s’enfermer ſeul pour cacher ſeulement ſon chagrin : mais c’eſt qu’il eſtoit allé chercher les voyes de deſcouvrir s’il n’y avoit point quelqu’un des gens d’Abradate à Claſomene : & en effet ſa perquiſition ne fut pas inutile : car il sçeut par un hazard eſtrange, qu’il y avoit un homme logé chez le Capitaine du Chaſteau qui ne vouloit pas eſtre veû : ſi bien qu’eſtant allé pour s’informer luy meſme de ce que c’eſtoit, il aprit par un domeſtique de ce Capitaine qui eſt mon Parent, que cét Eſtranger partiroit le lendemain au matin ; qu’il n’eſtoit arrivé que le jour auparavant ; qu’il eſtoit venu du coſté de Sardis ; & que je luy avois parlé dans une Allée du Jardin. je vous laiſſe à penſer Madame, apres cela, ſi un homme auſſi amoureux que Perinthe & auſſi plein d’eſprit, pouvoit douter qu’il n’y euſt pas une intelligence ſecrette entre Panthée & Abradate : il imagina donc la verité telle qu’elle eſtoit ; & il comprit fort bien que ſon nom qu’il avoit veû dans la Lettre de Doraliſe, ne ſervoit qu’à cacher celuy de Panthée. De vous dire Madame, quel fut le deſespoir de Perinthe, ce ſeroit une choſe impoſſible : quoy, diſoit il, ce n’eſt pas aſſez que je ne puiſſe jamais oſer ſeulement dire que l’aime, à la Perſonne que j’adore, il faut encore pour me perſecuter, qu’il y ait cent circonſtances fâcheuſes, qui donnent une nouvelle amertume à toutes mes douleurs : & il