Perinthe auſſi : eſperant touſjours qu’Abradate en montant au Throſne, s’eſloigneroit de Panthée. La Princeſſe de ſon coſté, l’envoya viſiter par un des ſiens, & luy teſmoigner la part qu’elle prenoit à tout ce qui luy eſtoit arrivé : en attendant qu’elle y allaſt elle meſme avec la Princeſſe de Lydie. Mais comme ce compliment eſtoit une choſe que la ſeule ceremonie avoit exigée d’elle, Abradate n’en fut pas pleinement ſatisfait : & il creut qu’elle euſt pû le luy envoyer faire par une perſonne qui luy euſt eſté plus confidente, & qui luy euſt dit quelque choſe de plus particulier. Cependant comme la Princeſſe devoit partir dans un jour, il avoit l’ame à la gehenne : car outre que la bien-ſeance ne ſouffroit pas qu’il allaſt ſi, toſt chez elle, n’y chez Doraliſe ; il trouvoit encore que d’aller parler de Mariage, devant meſme que les Deputez de la Suſiane fuſſent venus, & ſi toſt apres avoir sçeu la mort de deux Princes qui luy eſtoient ſi proches, eſtoit une choſe hors de raiſon. Cependant l’amour qu’il avoit pour Panthée eſtoit ſi forte, qu’il n’avoit pas deliberé un moment, ſur ce qu’il avoit à faire : & dés qu’il s’eſtoit veû Roy, il avoit reſolu de la faire Reine : & de n’accepter la Couronne, que pour la luy mettre ſur la teſte. D’autre part, Perinthe preſſoit autant qu’il pouvoit le Prince de Claſomene de partir de Sardis : mais par bonheur ce Prince s’eſtant trouvé mal, ce voyage fut differé : ce qui donna beaucoup de joye à Abradate, qui vit que par là les choſes ſe feraient avec moins de precipitation. Mais Madame, comme c’eſt la couſtume du monde de juger legerement d’autruy, deux jours apres qu’il eut reçeu cette nouvelle, on diſoit deſja que ce Prince ne ſongeroit plus à Panthée : & ce bruit flatta ſi doucement Perinthe, qu’il en eut effectivement de la joye.
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