Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/237

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encore une fois jouïr de la veuë de noſtre Princeſſe : mais ce ſeroit en demander trop pour un malheureux. je vous advoüe, Madame, qu’entendant parler Perinthe de cette ſorte, Doraliſe & moy en fuſmes ſi touchées, qu’il nous fut impoſſible de retenir nos larmes : nous pluraſmes donc aveque luy, voyant que nous n’y pouvions rien gagner : & nous le quitaſmes, avec promeſſe de le revenir voir. Nous fiſmes pourtant tout ce que nous puſmes pour le conſoler, auparavant que de partir, mais ce fut inutilement.

Nous allaſmes donc retrouver la Princeſſe, avec une melancolie eſtrange : en nous en retournant, nous ſongeasmes à ce que nous avions à dire, ſans pouvoir touteſfois reſoudre ſi nous apprendrions à Panthée qu’elle eſtoit cauſe de la mort de Perinthe, ou ſi nous ne le luy dirions pas. Il eſt vray que nous n’avions que faire de nous en mettre en peine : eſtant certain que depuis ce qu’Abradate luy avoit dit, elle ſe l’eſtoit dit à elle meſme : ſi bien que comme nous fuſmes auprſſ d’elle, & que nous luy euſmes raporté le pitoyable eſtat où eſtoit Perinthe je connus qu’elle nous entendoit mieux que nous n’avions creû qu’elle nous devoit entendre : car comme je luy dis que je croyois qu’elle devoit aſſez à Perinthe, pour ſe donner elle meſme la peine de luy commander de vivre : je sçay bien, me dit elle en rougiſſant, que je luy dois aſſez, pour prendre ſoin de ſa vie : mais je sçay bien auſſi que ſi Perinthe a quelque ſensible douleur dans l’ame, il ne m’obeïra pas. Il n’obeïra donc à perſonne, repliqua Doraliſe ; mais du moins Madame, pourſuivis-je, ne vous reprocherez vous pas à vous meſme, la mort de Perinthe ſi elle arrive quand vous aurez fait tout ce que vous aurez pû pour l’empeſcher : Apres