Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/254

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ils eſtoient tous les jours en de continuelles eſcarmouches, dont le ſuccés n’eſtoit pas touſjours eſgal. Car quelques fois ceux de Creſus avoient quelque avantage : mais pour l’ordinaire, ils eſtoient pourtant batus : de ſorte qu’il n’y avoit point de jour que l’on n’amenaſt des Priſonniers à Cyrus, qui vouloit touſjours les interroger luy meſme : non ſeulement pour s’inſtruire de tout ce qui luy pouvoit eſtre avantageux, mais encore pour demander s’ils ne sçavoient rien de la Princeſſe Mandane : car comme il y avoit quelqueſfois des Officiers, il avoit touſjours la conſolation d’aprendre diverſes choſes qu’il avoit envie de sçavoir. Il ne s’informoit pas ſeulement de Mandane, mais encore de ſes Rivaux : il sçeut auſſi par la meſme voye, qu’il y avoit un Eſtranger admirablement bien fait, qui s’eſtoit jetté depuis quelque temps dans le Party de Creſus : & qui eſtant alors avec Andramite, s’eſtoit ſignalé dans les petits combats qui s’eſtoient faits. Ces Priſonniers ne purent touteſfois luy dire ſa condition : luy diſant ſeulement qu’il ſe faiſoit nommer Telephane. En effet, toutes les Parties qui ſurent à la guerre durant quelques jours, s’aperçeurent bien qu’il y avoit un homme d’une valeur extraordinaire parmy les Lydiens, par la reſistance qu’ils trouverent à remporter l’avantage : de ſorte que le nom de Telephane, ſe rendit bientoſt celebre aux Amis & aux Ennemis. Quoy que Cyrus fuſt abſolument incapable d’un ſentiment envieux, la gloire de ce Telephane, luy donna une ſi forte envie de le rencontrer, qu’il fut luy meſme à cette petite guerre plus d’une fois, mais il ne le rencontra pourtant pas : ſi bien que ſe reprochant ce ſentiment là, comme une foibleſſe & comme une injuſtice, luy ſemblant qu’il ne devoit devoit alors deſirer