de combattre que ſes Rivaux : il ne ongea plus à ce Telephane, dont on luy avoit tant parlé : & ne penſa plus qu’à haſter ſa victoire ou ſa deffaite ; ne pouvant pas apres tant de fâcheuſes Predictions, ne mettre point la choſe en doute. Cependant il sçeut le jour ſuivant, que le Roy de Pont eſtoit arrivé au Camp ennemy, & que ce ſeroit luy qui commanderoit l’Avant garde : Cyrus ne sçeut pas pluſtost que ce Raviſſeur de ſa Princeſſe eſtoit ſi proche de luy, qu’il eut une nouvelle ardeur de combatre : ce qui l’obligea à vouloir tenter quelque choſe, auparavant que d’en venir à une Bataille generale, comme il jugeoit bien qu’il la faudroit donner : n’ignorant pas que tous ces petits avantages qu’il remportoit tous les jours, n’eſtoient pas deciſifs : & qu’à moins que deffaire entierement cette grande Armée, il ne delivreroit pas Mandane. Il croyoit pourtant que s’il pouvoit ou tüer ou prendre le Roy de Pont, ce ſeroit un grand acheminement à ſa victoire, & à la libetté de cette Princeſſe : de ſorte que pour pouvoit faire l’un ou l’autre, il entreprit le jour ſuivant de forcer les Ennemis, & de leur faire quitter le Poſte où ils eſtoient retranchez. Mais il eſtoit ſi avantageux, que quand ils n’euſſent eu que dix mille hommes, il auroit eſté tres difficile de les en chaſſer ; il n’auroit pourtant pas eſté impoſſible à Cyrus, à la valeur duquel rien ne pouvoit reſister : ſi la nuit n’euſt fait ceſſer le combat, deux heures pluſtost qu’il ne faloit pour les vaincre. Il eſt vray que ſes ennemis perdirent tant de monde à cette attaque, qu’il eut lieu d’eſtre conſolé, de ce qu’il n’avoit pu rencontrer pendant ce combat, ny le Roy de Pont, ny Telephane, qu’on luy avoit dit porter une Mort peinte à ſon Eſcu, avec cette Deviſe je la merite.
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