Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/277

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que l’on a ordinairement pour un Rival. Il eſtoit pourtant ſi occupé à determiner ce qu’il devoit penſer de Mazare, & comment il devoit agir aveque luy, qu’il ne ſe meſla point dans cette converſation, qui finit par la prudence d’Abradate : chacun ſe retirant de ſon coſté, avec des ſentimens bien differents. Cyrus partit pourtant le dernier : tant il avoit de peine à s’eſloigner de deux hommes qu’il euſt voulu combattre tous deux enſemble, pluſtost que de ne les combatre point. Il eſtoit au deſespoir, de ne sçavoir pas un peu mieux comment il pouvoit eſtre que Mazare ne fuſt point mort ; que Mazare fuſt dans le party du Roy de Pont qui eſtoit ſon Rival ; & qu’il euſt voulu cacher ſon nom. Cependant il falut s’en retourner au Camp ſans le sçavoir : mais il s’y en rétourna avec tant de penſées furieuſes dans l’eſprit, qu’il ne s’eſtoit jamais ſenty ſi pres de n’eſtre point Maiſtre de luy meſme que cette fois là. Comme il y fut arrivé, & qu’il eut donné les ordres neceſſaires, il eut impatience d’eſtre ſeul avec Chrirante, afin de pouvoir raiſonner avec liberté, ſur une ſi eſtrange rencontre : Apres avoir donc congedié tout le monde ; & bien, luy dit il, cher Teſmoin de toutes mes diſgraces, que dittes vous de ce que vous venez de voir ? car Chriſante avoit accompagné Cyrus à cette entreveuë. je dis Seigneur, repliqua t’il, que comme la Fortune fait des prodiges pour vous tourmenter, elle fera en ſuitte des miracles pour vous mettre en repos. Pour moy, reprit Cyrus, je ne ſuis pas de voſtre opinion : au contraire, il me ſemble qu’apres ce qui me vient d’arriver, je dois encore craindre qu’Aſtiage ne reſſuscite auſſi bien que Mazare pour me perſecuter ; que tant de millions d’hommes