Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/296

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non Abradate, pourſuivit Creſus, je ne m’y sçaurois reſoudre. Qui peut craindre un homme, reſpondit le Roy de la Suſiane, eſtant à la teſte d’une Armée de deux cens mille, ne ſe fie guere à la valeur de ſes Troupes : quoy qu’il en ſoit, dit fierement Creſus, comme Artamas, quoy que priſonnier de guerre, eſt pourtant criminel d’Eſtat, il ne ſera pas eſchangé contre la Reine voſtre Femme : vous combatrez donc ſans moy, reprit Abradate. Seigneur (interrompit Andramite parlant à Creſus) ne refuſez point ce qu’on vous demande : je refuſe toujours ce qui n’eſt point juſte, reſpondit il, c’eſt pourquoy ne me preſſez pas davantage. Andramite adjouſta encore beaucoup de choſes pour le perſuader, mais il n’y eut pas moyen : & Abradate ſe retira tres mal ſatisfait de Creſus, & abſolument reſolu à ne combatre point, qu’auparavant on n’euſt propoſé à Cyrus de faire cét eſchange. Andramite hors de ſa preſence, parla encore au Roy de Lydie, qui s’en offença eſtrangement : le Roy de Pont qui craignoit que ce deſordre ne miſt de la diviſion parmy les Soldats, fit en meſme temps tout ce qu’il pût pour perſuader Creſus à accorder au Roy de la Suſiane ce qu’il demandoit : & pour obliger auſſi Abradate à ne s’obſtiner point à vouloir la choſe, ſi Creſus ne s’y reſolvoit pas : maiz quoy qu’il pûſt faire, il n’avança rien ny envers l’un ny envers l’autre. Dans ce meſme temps le Pere de Panthée vint de Claſomene à Sardis où il eſtoit allé lever quelques Troupes : de ſorte que trouvant les choſes en ces termes, il ſe joignit à Abradate & à Andramite, & preſſa Creſus auſſi bien qu’eux, & meſme plus qu’eux : car comme il avoit une grande Province en ſa puiſſance, ſes prieres embarraſſerent plus Creſus, que n’avoient fait celles des