Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

attiré en donnant retraite au Raviſſeur de Mandane, & en vous engageant dans le Party de Creſus : car outre que je ne veux pas faire de reproches à un ſi genereux Ennemy, je dois encore croire que les Dieux l’ont ainſi voulu pour me faire acheter la victoire bien cher : eſtant certain que ſi vous euſſiez elle dans noſtre Party, celuy de Creſus ne m’auroit pas reſisté long temps. Mais puis que le Deſtin en a autrement diſposé, je vous conjure de ne me refuſer pas la grace que je vous demande : puis qu’elle ne contrevient point à ce que vous devez au Roy de Lydie. je vous le promets, luy dit Abradate ; bien fâché de ne pouvoir vous aſſurer du ſuccés de ma priere. Et ſuitte de cela, ils ſe dirent encore beaucoup de choſes : & la converſation ayant recommencé entre ces Princes & ces Princeſſes, ils furent près d’une heure enſemble, à parler de leurs malheurs paſſez, & de leurs maux preſens. Mais à la fin il falut ſe ſeparer : Cyrus en remenant Abradate juſques à la Garde avancée de ſon Camp, luy fit voir une partie de ſes Troupes rangées en Bataille : & comme elles eſtoient les plus belles du monde, Abradate luy dit qu’il eſtoit aiſé de voir que ſous un tel Capitaine, il ne pouvoit y avoir que de bons Soldats. En effet, luy dit il, voſtre preſence inſpire ce me ſemble je ne sçay quoy d’heroique : & je ne doute nullement que je ne m’en retourne plus vaillant à Sardis que je n’eſtois quand je ſuis arrivé aupres de vous. Il n’en eſt pas de meſme de moy, reprit Cyrus en ſous-riant : puis que tout vaillant que vous eſtes, vous m’avez donné de la repuguance à vous combatre, depuis que je vous connois. Abradate reſpondit à un diſcours ſi obligeant, avec autant de civilité que d’eſprit : apres quoy ces deux