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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/304

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Grands Princes ſe ſeparerent extrémement ſatisfaits l’un de l’autre.

Cependant Abradate pour ne manquer pas à ſa parole, ſuplia le Roy de Lydie d’accorder à Cyrus la liberté de voir Mandane, comme Cyrus luy avoit accordé celle de voir Panthée : d’abord ce Prince n’en fit pas grande difficulté : il y mit touteſfois une condition, qui rendit la choſe impoſſible : qui fut qu’il ſouffriroit cette entreveuë, pourveu que le Roy de Pont y conſentist. Abradate fut donc à l’heure meſme le trouver, pour taſcher de luy perſuader de ne refuſer pas cette grace à un Prince à qui il confeſſoit eſtre ſi redevable. Car enfin, luy dit il, quel mal vous peut il arriver de le ſatisfaire ? vous sçavez qu’il n’ignore pas qu’il eſt auſſi bien avec Mandane qu’il peut deſirer d’y eſtre : & qu’ainſi quand cette Princeſſe luy diroit quelque choſe d’obligeant, cela ne luy aprendroit rien de nouveau. Du moins, adjouſtoit Abradate ; sçaura t’il par elle que vous ne perdez pas le reſpect que vous luy devez : de ſorte que le reſte de la guerre ſe fera avec moins d’animoſité. Si je ne jugeois, reprit le Roy de Pont, que vous ne parlez comme vous faites, que parce que vous voulez obliger un Prince qui peut : obliger une Perſonne que vous aimez, je dirois que vous eſtes le plus injuſte de tous les Hommes, de ſouhaiter de moy une pareille choſe : car enfin, puis qu’il faut vous deſcouvrir le fonds de mon cœur, sçachez que mon malheur eſt arrivé aux termes, que je ne fais plus la guerre pour la poſſession de Mandane. j’ay pleuré & ſoupiré mille fois à ſes pieds, mais ç’a eſté inutilement : je l’ay amenée au point de m’advoüer qu’elle croyoit que je l’aimois autant que je pouvois aimer : & elle m’a meſme dit quelquefois, que ſi je n’eſtois pas ſon Amant, elle ne me refuſeroit pas ſon eſtime.