Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/306

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beaucoup davantage. je voy bien, luy dit il, que je vous demande une choſe un peu difficile à faire : mais ſi vous conſiderez que j’ay perdu pour l’amour de vous l’objet de toutes mes affections, que Panthée n’eſt captive, que parce que je vous ay reçeu dans ma Cour : & que ſi vous me refuſez, Cyrus ſera en droit de ſe vanger ſur elle par la rigueur que vous luy tiendrez : je penſe que vous trouverez que j’ay un juſte ſujet de vous conjurer de m’accorder ce que je vous demande. Cyrus eſt ſi genereux, reprit le Roy de Pont, que vous ne devez rien craindre pour Panthée ; que ne vous determinez vous à eſtre encore plus genereux que luy s’il eſt poſſible ? reprit Abradate : il ſuffit que je ſonge à le ſurpasser en amour & non pas en generoſité, repliqua le Roy de Pont ; puis que le n’en puis avoir qui ne ſoit contraire à ma paſſion. je n’ignore pas qu’eſtant cauſe de la captivité de Panthée, je vous dois tout accorder : mais Dieux, il s’en faut bien que je ne ſois en eſtat de faire ce que je dois : c’eſt pourquoy pleignez moy, & ne m’accuſez pas d’ingratitude, quoy que je vous refuſe tout : puis que je ne fais pas ce que je veux, mais ſeulement ce que veut la paſſion qui me poſſede. Abradate voyant qu’il ne pouvoit perſuader le Roy de Pont, le quitta avec aſſez de froideur : luy ſemblant que puis qu’il avoit perdu Panthée pour l’amour de luy ſeulement, il euſt deû ne luy refuſer pas une choſe qui n’oſtoit point Mandane de ſa puiſſance. Il eſcrivit donc à Cyrus, pour luy faire excuſe de ce qu’il ne pouvoit obtenir ce qu’il deſiroit : mais auparavant que d’envoyer ſa Lettre, il fut ſommer Creſus de ſa parole : & le ſuplier d’envoyer du moins propoſer à Cyrus d’eſchanger le Prince Artamas, pour la Reine de la Suſiane. D’