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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/305

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Mais apres tout cela, elle m’a ſi fortement & ſi conſtamment dit qu’elle ne m’aimeroit jamais ; & m’a ſi bien fait entendre ſans me le dire, qu’elle aimeroit touſjours Cyrus ; que je ne doute nullement que Mandane ne ſoit toujours inexorable pour moy, & touſjours fidelle pour mon Rival. C’eſt pourquoy je ne ſonge plus à aquerir ſon cœur, ny à la poſſeder : mais je veux, s’il eſt poſſible, la voir eternellement, la dérober à la veuë de tous mes Rivaux : & les voir perir ſi je puis, les uns apres les autres, dans une longue Guerre, ou y perir moy meſme, pluſtost que de rendre cette Princeſſe. je sçay bien que je ſuis injuſte ; que ce que je fais choque eſgalement la generoſité & la raiſon, & je ne ſuis pas ſi preocupé de mon amour, que je ne connoiſſe que je dois eſtre blaſmé de tout le monde. Mais apres tout, je ne sçaurois me vaincre moy meſme : il faut que je cede à ma malheureuſe deſtinée : & que je ne ſonge pas ſeulement à luy reſister. Ceſſez donc, je vous en conjure, de me mettre dans la cruelle neceſſité, de refuſer quelque choſe à un Prince qui m’a accordé ſi genereuſement azile dans ſa Cour : & penſez que je n’ay point d’autre douceur en la vie, que celle de sçavoir que mes Rivaux ne voyent point ma Princeſſe. Encore pour le Roy d’Aſſirie, & pour le Prince Mazare, adjouſta t’il, comme ils ne la pourroient voir qu’irritée, je ne m’en ſoucierois pas tant : mais pour Cyrus, qui ne verroit dans ſes yeux que marques de tendreſſe & d’affection, c’eſt ce que je ne sçaurois ſouffrir. Abradate entendant parler le Roy de Pont de cette ſorte, creût bien qu’il n’obtiendroit pas ce qu’il ſouhaitoit, neantmoins l’obligation qu’il avoit à Cyrus, fit qu’il n’en demeura pas là, & qu’il le preſſa