Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/34

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par elle meſme, que comme elle n’avoit ny Pere ny Mere, & qu’elle demeuroit chez une Tante qui ne la vouloit pas contraindre, elle avoit deſja refuſé vint fois de ſe marier, quoy qu’elle fuſt encore jeune : car Doraliſe n’avoit pas plus de dixhuit ans, quand nous fuſmes à Sardis. Cependant ce n’eſtoit pas que ſa vertu paruſt auſtere, ny ſauvage : au contraire, elle avoit quelque choſe de galant dans l’eſprit. Elle aimoit la converſation & les plaiſirs : & il n’y en avoit aucun dans la Cour dont elle ne fuſt. De ſorte que ne paroiſſant pas qu’elle euſt deſſein de ſe mettre parmy les vierges voilées à Epheſe, on la preſſoit quelqueſfois de dire la raiſon pourquoy elle avoit refuſé tant d’honneſtes gens, qui avoient ſongé à l’eſpouser ? mais elle reſpondoit touſjours en riant, que c’eſtoit parce qu’elle n’avoit pas encore trouve un certain homme qu’elle cherchoit : & qu’elle s’eſtoit imaginé eſtre ſeul capable de faire ſon bonheur. Ainſi tournant la choſe en raillerie, ſans que l’on pûſt entendre ce qu’elle vouloit dire, on croyoit que Doraliſe avoit averſion à ſe marier : & qu’il n’y avoit point d’autre cauſe à ſa façon d’agir.

La Princeſſe ayant donc sçeu ce que je viens de dire, un jour qu’elle ſe trouvoit un peu mal, & qu’elle avoit envoyé querir Doraliſe pour la divertir ; elle ſe mit à luy dire qu’elle euſt bien voulu sçavoir quel eſtoit cét homme qu’elle diſoit chercher, & qu’elle ne trouvoit point. Apres qu’elle s’en fut deffenduë quelque temps, puis que vous le voulez Madame, luy dit elle en riant, il faut que vous sçachiez que je me ſuis mis dans la fantaiſie, de n’eſpouser jamais qu’un homme qui m’aime & que je puiſſe aimer : la premiere de ces deux choſes, interrompit la Princeſſe, eſt ce me ſemble aſſez aiſée à trouver : elle ne l’eſt