Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/344

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touffu : ce Bois a meſme cela de particulier, que la verdure y eſt eternelle : eſtant tout compoſé de Cedres, de Pins, de Mirthes, de Therebinthes, & d’autres Arbres ſemblables, qui paſſent les Hivers ſans perdre leurs feüilles, quoy que le Printemps leur en donne pourtant touſjours de nouvelles. Ce qu’il y a encore de merveilleux, eſt que tous ces Arbres y ſortent d’entre les Rochers : & que tous ces Rochers y ſont couverts d’une mouſſe ſi belle, & ſi differente en ſes couleurs, qu’il n’eſt point de Marbre ny de Jaſpe plus beau. Enfin ſoit par ſon ombrage ; par ſa fraiſcheur ; par la diverſité de ſes Arbres ; ou par ſa verdure eternelle, ce Bois eſt incomparable. je marchay donc dans cette grande & ſombre route, que mille oyſeaux faiſoient retentir agreablement de leurs chants : teſmoignant aſſez par le peu de frayeur qu’ils avoient de moy, que ce lieu là eſtoit peu frequenté. Apres avoir fait cinq ou ſix cens pas, je vis à ma droite une fort belle Fontaine : qui ſortant à gros boüillons d’entre des cailloux, couverts d’une petite mouſſe de couleur d’Eſmeraude, faiſoit un petit ruiſſeau, qui traverſant la route où j’eſtois, s’alloit perdre en ſerpentant dans le coſté du Bois oppoſé à celuy le long duquel s’eſlevoit cette eſpouventable Roche dont je vous ay parlé. Eſtant donc au bord de cette Fontaine, je pris garde qu’il y avoit un petit ſentier, qui partant de la grande route, alloit en montant entre l’eſpaisseur des Arbres : de ſorte que trouvant plus d’aparence de le ſuivre que l’autre, quoy qu’il ne fuſt guere plus battu ; apres m’eſtre un peu repoſé au bord de cette belle ſource, je le pris ſans heſiter : & marchant touſjours en montant, par ce petit chemin qui va tantoſt un peu à droit, & tantoſt un peu à gauche, à cauſe