Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/345

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que la montée ſeroit trop droite & trop aſpre : je fus enfin juſques au milieu de la grande Roche, le Bois allant juſques là en cét endroit.

Mais Dieux, que devin-je, lors qu’eſtant arrivé en un lieu où les Arbres s’eſclaircissent, je deſcouvris l’ouverture d’une grande Grotte qui s’enfonce dans le Rocher, & que je vy devant cét Antre ſauvage, le Prince Mazare aſſis ſur une Pierre ! qui au bruit que j’avois fait, ayant tourné la teſte de mon coſté me reconnut, & me donna moyen de le reconnoiſtre. je fus ſi ſurpris & ſi eſpouventé de cette veuë que je fus un temps ſans deſcendre de cheval, tant je sçavois peu ce que je faiſois, & tant mes yeux & mon eſprit eſtoient occupez à s’eſclaircir ſi ce que je voyois eſtoit veritable : mais à la fin mon cher Maiſtre ayant fait un grand cry en ſe levant, & m’ayant nommé, je revins de mon eſtonnement de ſorte que deſcendant de mon cheval, & l’attachant diligemment au premier Arbre que je trouvay, je fus me jetter à ſes pieds. Mais il me releva à l’heure meſme : & m’embraſſant avec une tendreſſe extréme ; mon cher Orſane, me dit il, eſt il poſſible que je vous voye, & que vous me forciez malgré que j’en aye, à recevoir un moment de conſolation en toute ma vie ? Seigneur (luy dis-je les larmes aux yeux, de voir la melancolie qui paroiſſoit ſur ſon viſage, & d’imaginer comment il avoit veſcu triſtement depuis que je ne l’avois veû) je ne pretends pas ſeulement vous donner quelques inſtans de conſolation, mais encore vous conſoler pour touſjours. Voſtre veuë m’eſt ſans doute bien chere, reprit il, mais Orſane apres avoir cauſé la mort de la divine Mandane, ce que vous me dittes ne sçauroit eſtre. Mais Seigneur, repris-je avec precipitation, ſi je