Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/350

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par quelques fentes du Rocher, à meſure qu’elles en reçoivent par d’autres. Voyant donc une choſe ſi ſurprenante & ſi belle, je ne pûs m’empeſcher d’admirer la providence des Dieux, qui avoient du moins amené le Prince Mazare en un ſi aimable Deſert. Et bien Orſane (me dit Beleſis, voyant l’admiration où j’eſtois) trouvez vous que le Prince Mazare ait eu tort d’apeller cette Grotte un Palais ? Non Seigneur, luy dis-je, mais j’advouë que je ne conçois pas encore trop bien, dequoy vous y pouvez vivre. Vous le sçaurez bientoſt me dit il, & alors eſtant allé à l’entrée de la Grotte il apella un Eſclave qu’il avoit ; qui ſortit d’une autre plus petite & moins belle, qui touchoit celle là : & luy ordonna de me donner quelque choſe à manger, & de me faire voir le Jardin qui les nourriſſoit, & d’avoir ſoin de mon cheval, que l’on mit dans un petit Antre plus eſloigné, toute cette Montagne eſtant creuſe. En effet cét Eſclave de Beleſis, nommé Arcas, apres m’avoir fait manger, me fit voir à cinquante pas de là, au pied de la Roche, un petit Jardin ſi plein d’herbes, de racines, & de legumes, que je compris aiſément que des gens qui ne s’eſtoient ſeparez du monde que pour mourir pluſtost que les autres hommes, pouvoient trouver dequoy ſubsister en ce lieu là, principalement Arcas m’ayant dit qu’il alloit auſſi quelquefois à la Chaſſe. je sçeus par luy que ſon Maiſtre par divers chagrins qui l’avoient obligé à renoncer à la ſocieté civile, ayant deſcouvert autrefois cét admirable endroit du Mont Noir, avoit pris la reſolution de le venir habiter tout le reſte de ſa vie : de ſorte que dans ce commencement là, il l’avoit pourveu des choſes abſolument neceſſaires, malgré que ſon Maiſtre en euſt. En ſuitte il me conta que quelque temps apres