la Grotte quand je ſortis de celle où j’avois couché : ſi bien qu’ayant trouvé Beleſis ſeul, je le ſupliay de vouloir m’aider à perſuader au Prince Mazare de quitter la vie qu’il menoit. Mais Seigneur, luy dis-je, pour le pouvoir mieux faire, il faudroit la quitter vous meſme : & le perſuader pluſtost par voſtre exemple que par vos raiſons. Ha Orſane, s’eſcria Beleſis, le deſtin du Prince Mazare & le mien, ſont aujourd’huy bien differents, & ce qui eſt bon pour luy ne l’eſt pas pour moy ! Seigneur, repliquay-je, comme je ne sçay pas vos infortunes, & que je n’ay pas meſme la hardieſſe de vous demander de quelle nature elles ſont, je ne puis pas vous convaincre ſi fortement que je ferois peut-eſtre, ſi je les sçavois : mais ce qu’il a de vray, eſt qu’à parler en general, il n’eſt point de malheurs dont un homme de voſtre eſprit ne ſe doive conſoler. Non pas de ceux que la Fortune cauſe, reprit il ; mais pour ceux dont l’amour nous accable, il faut ne s’en conſoler jamais : principalement quand ils ſont auſſi particuliers que les miens. Cependant je vous promets de faire tout ce qui ſera en mon pouvoir, pour obliger le Prince Mazare à partir d’icy dés demain : je dirois dés auojurd’huy, reprit il en ſoupirant, ſi l’amitié que j’ay pour luy, ne meritoit pas en quelque ſorte, que vous m’accordiez cette journée, à me preparer à une ſi dure ſeparation. Pendant que je parlois à Beleſis, le Prince Mazare erroit dans le Bois, pluſtost qu’il ne s’y promenoit : le deſordre de ſon eſprit eſtant ſi grand, qu’il ſa communiquoit à ſes pas : & faiſoit qu’au lieu de s’aller promener loin de la Grotte, il y revenoit ſans en avoir le deſſein. Il nous trouva donc Beleſis & moy, comme nous en ſortions pour l’aller chercher ; nous ne l’euſmes pas pluſtost joint, que Beleſis
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Apparence