Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/36

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tant pat le monde, ſe pourroit trouver ſans qu’il euſt rien aimé : car ces gens là n’y veulent autre choſe, ſinon qu’il sçache bien s’aquitter des affaires dont il ſe meſle : qu’il ait du sçavoir, de la probité, du courage, & de la venu : mais un honneſte homme tel que je le veux, outre les choſes abſolument neceſſaires, doit encore avoir les agreables : & c’eſt ce qu’il eſt abſolument impoſſible de trouver, en un homme qui n’a jamais rien aimé. En effet Madame, pourſuivit Doraliſe, remettez vous un peu en la memoire, tous les jeunes gens que vous voyez entrer dans le monde : & cherchez un peu la raiſon pourquoy il y en a tant dont la converſation eſt peſante & incommode : & vous trouverez que c’eſt parce qu’il leur manque je ne sçay quelle hardieſſe reſpectueuse, & je ne sçay quelle civilité ſpirituelle & galante, que l’amour ſeulement peut donner. Vous les voyez plus beaux que ceux qui ſont plus avancez en âge qu’eux : ils ont meſme de l’eſprit : ils n’ont encore rien oublié, de tout ce que leurs Maiſtres leur ont apris : cependant il manque je ne sçay quoy à leurs diſcours & à leurs actions, qui fait qu’ils ne plaiſent point : & pour moy, adjouſta t’elle en riant, j’aimerois beaucoup mieux la converſation d’un de ces vieillards qui ont eſté galands en leur jeuneſſe, que celle d’un de ces jeunes indifferents, qui ſongent plus aux rubans qu’ils portent, qu’aux Dames à qui ils parlent. il eſt vray (dit la Princeſſe, en riant à ſon tour) que je ſuis contrainte d’advoüer, que j’en ay veû beaucoup de tels que vous me les repreſentez : mais je n’attribuois pas cela à ce que vous dittes : & je croyois ſeulement, que le peu d’experience qu’ils avoient du monde, eſtoit la veritable cauſe, du peu d’agrément que je trouvois en leur entretien. Pour vous monſtrer, adjouſta Doraliſe,