Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/373

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nom, il ne doutoit pas que ſi elle le voyoit, elle ne le connuſt : & que ſi elle le connoiſſoit, auparavant que de sçavoir le veritable repentir qu’il avoit de l’avoir enlevée, & d’eſtre cauſe de toutes ſes diſgraces, elle ne le fiſt connoiſtre auſſi toſt, par l’averſion qu’elle teſmoigneroit avoir pour luy : & qu’ainſi le deſſein qu’il avoit de taſcher de luy redonner la liberté qu’il luy avoit oſtée, ne fuſt entierement détruit. De ſorte que ſe faiſant une extréme violence, il trouva quelque pretexte pour n’accompagner point le Roy de Pont qui l’en pria : & il retourna à Sardis avec une inquietude, que je ne vous puis repreſenter, parce qu’il ne pouvoit ſeulement regler ſes ſouhaits. Car lors que le repentir de ſa faute, & ſa generoſité, eſtoient les plus forts dans ſon cœur, il deſiroit que le Prince Artamas pûſt entreprendre quelque choſe pour la liberté de ces Princeſſes ; & qu’au lieu de les conduire à Sardis, on les menaſt dans voſtre Camp. Mais auſſi quand l’amour qui le poſſedoit eſtoit la Maiſtresse, il ne pouvoit s’empeſcher de deſirer de voir Mandane : & de ſouhaiter avec ardeur, que ce fuſt luy qui la delivraſt, & meſme qui vous la rendiſt, pluſtost que de laiſſer à un autre, la gloire de l’avoir miſe en liberté. Il ne pût touteſfois ſe reſoudre à ignorer ce qui ſe paſſeroit à l’entreveuë du Roy de Pont, & de la Princeſſe Mandane : ſi bien que pour en eſtre informé, il pria Beleſis de vouloir accompagner ce Prince : n’oſant m’y envoyer ; parce qu’elle me connoiſſoit trop. Mais comme il ne pouvoit ſe paſſer de la veuë de cette Princeſſe, puis qu’elle alloit entrer dans une Ville où il eſtoit, il fit deſſein de la voir d’une feneſtre, lors qu’elle traverſeroit Sardis, pour aller dans la Citadelle : de ſorte qu’il attendit avec