Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/377

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du moins que je l’aimeray ſans eſperance, & par conſequent ſans l’offencer. Travaillons donc mon cher Beleſis, luy dit ce genereux Prince, à delivrer ma Princeſſe : & pour y travailler avec plus de courage ne ſongeons jamais que nous la delivrerons pour un Prince plus heureux que nous : car encore qu’il merite ſon bonheur, j’aurois peut-eſtre quelque peine à n’en murmurer pas, quoy que je ſois reſolu de ne le troubler jamais. Voila Seigneur, quels furent les ſentimens de l’illuſtre Mazare, qui paſſa le reſte du jour, & toute la nuit ſuivante, dans une douleur extréme.

Cependant pour ne s’amuſer pas à ſouspirer inutilement, il ſongea à obſerver avec beaucoup de foin, quelle garde on faiſoit à la Citadelle à entretenir l’amitié qu’il avoit avec celuy qui en eſt Gouverneur : afin de voir ce qu’il y auroit moyen de faire, pour la liberté de Mandane. Pour ſe faire donc des Amis & des Creatures, il rendoit office juſques aux moindres Soldats, ou aupres de Creſus, ou aupres du Roy de Pont, ou aupres d’Abradate, de qui il a auſſi eſté fort aimé. Il chercha encore à faire amitié avec Andramite, qu’il obligea bientoſt après qu’il eut amené les Princefles d’Epheſe à Sardis ; car le bruit s’eſtant enfin eſpandu, toit par les priſonniers, ou par quelque autre voye qui m’eſt inconnue, que vous aviez eſté pris auſſi bien que le Roy d’Aſſirie & le Prince Artamas, & qu’Andramite à la priere de la Princeſſe Palmis, vous avoit redonné à la Princeſſe Mandane, & vous avoit delivré ; Creſus en entra en une colere ſi grande que les Princeſſes en furent reſſerrées pour quelques jours : & qu’Andramite en fut diſgracié, quoy qu’il euſt mis le Roy d’Aſſirie & le Prince Artamas entre les mains de ce Prince. Mais comme il paroiſtoit