croire qu’il n’eſt pas impoſſible que cela ſoit : mais ce qui fait mon affliction, eſt que je ne puis le croire aſſez fortement, pour me fier au Prince Mazare. Ainſi j’entre-voy, ce me ſemble, un chemin de pouvoir ſortir de ma priſon, mais je ne le sçaurois ſuivre, quoy que l’on m’en puiſſe dire. En effet, l’action de Mazare, & celle du Roy de Pont, font que tout m’eſt ſuspect, & que je ne me puis fier a rien : c’eſt pourquoy ne vous obſtinez pas davantage à me preſſer d’une choſe que je ne puis faire. Mais, adjouſtay je, que deviendra mon Maiſtre, ſi vous ne luy donnez du moins les moyens de vous faire connoiſtre qu’il a effectivement voulu vous delivrer ? Eh de grace Madame, ſongez bien à ce que je dis : & ne vous mettez pas en eſtat de vous reprocher un jour à vous meſme, la mort d’un des plus vertueux Princes du monde. Pour vous monſtrer Orſane, me dit la Princeſſe, que je ne veux pas vous refuſer toutes choſes, & que je veux bien que le Prince Mazare, s’il eſt tel que vous le dittes, ait les moyens de me donner des marques convainquantes de ſon veritable repentir, & une voye infaillible de recouvrer mon eſtime, etmeſme mon amitié : dittes luy qu’il aille combatre pour ma liberté en combattant pour Cyrus : & que s’il le fait, je croiray effectivement qu’il m’a voulu delivrer. Mais Madame, luy dis-je, Cyrus ne recevra peut eſtre pas trop bien le Prince mon Maiſtre : il le recevra ſans doute comme ſon Amy, repliqua Mandane, s’il eſt perſuadé qu’il a voulu eſtre mon Liberateur. Mais afin de n’expoſer pas la vie d’un Prince, qui me ſera chere, s’il eſt redevenu auſſi vertueux que je l’ay connu autrefois, je m’en vay vous donner un Billet pour Cyrus, que Mazare luy rendra : & en
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