Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/415

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n’y a t’il pas de l’injuſtice de ne vouloir pas du moins donner à mon Maiſtre les moyens de vous faire connoiſtre qu’il eſt effectivement dans le deſſein de reparer la faute qu’il a faite ? Pour moy Madame, adjouſtay-je, il ne me ſemble pas que vous agiſſiez ſelon toute l’eſtenduë de voſtre bonté : car que voulez vous que mon Maiſtre devienne ? Comme je sçay tous ſes ſentimens, je puis vous aſſurer qu’il n’eſt venu ſe jetter dans le Party de Creſus, qu’avec l’intention de vous delivrer : & qu’il n’a combatu pour luy, que pour pouvoir trouver les moyens de vous mettre en liberté. Mais aujourd’huy que vous ne voulez pas qu’il vous y mette, il ne demeurera pas dans un Party qui n’eſt point le voſtre : il ne peut pas non plus aller dans l’Armée de Cyrus, à moins que de vous y remener : que voulez vous donc qu’il face ? De grace Madame, adjouſtay-je, ne ſouffrez pas qu’un ſi Grand Prince periſſe pour l’amour de vous : comme il fera ſans doute, ſi du moins vous ne luy donnez les moyens d’eſperer d’eſtre juſtifié dans voſtre eſprit, & de vous faire voir que ſa vertu eſt auſſi grande que ſon amour : & que ſon repentir eſt encore plus grand que ſon crime. Enfin Madame, ſi je le puis dire ſans perdre le reſpect que je vous dois, je ne partiray point d’icy, que je n’aye obtenu par mes tres humbles prieres, ce que je vous demande pour mon Maiſtre. Orſane, me dit elle, ce que vous me dittes m’eſpouvante & m’afflige tout enſemble : car le moyen de croire que vous ne parliez pas ſincerement ? le moyen encore de penſer que l’on vous puiſſe tromper ? & le moyen auſſi de s’imaginer qu’un Prince qui a eſté aſſez injuſte pour m’enlever, ſoit en ſuitte aſſez genereux pour vouloir reparer ſa faute ? Cependant à vous parler avec ſincerité, je conmence de