Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/425

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vaincray, & pluſtust les malheurs de voſtre Maiſon finiront. Cependant comme il y a quelques ordres à donner, afin qu’on reçoive la nuit prochaine ceux qui viennent nous aider à vaincre, vous me permettrez s’il vous plaiſt de vous quitter. Apres cela Cyrus ſe retira, laiſſant Panthée avec beaucoup de joye, & emmenant Orſane aveque luy, à qui il fit encore cent queſtions, en s’en retournant à ſon Quartier : où il ne fut pas ſi toſt, qu’il choiſit les Troupes qu’il vouloit envoyer recevoir celles d’Abradate, avec leſquelles Orſane retourna vers ſon Maiſtre, pour l’aſſurer de la protection de Cyrus. En ſuitte ce Prince diſposa toutes choſes comme il vouloit qu’elles allaſſent, juſques au logement du Roy de la Suſiane, de Mazare, d’Andramite, des autes perſonnes de qualité qui les ſuivoient, & des Troupes qu’ils amenoient. Ce n’eſt pas qu’il euſt l’eſprit fort libre : mais c’eſt qu’il avoit l’ame ſi Grande, qu’il eſtoit incapable de manquer jamais à rien de ce qu’il eſtoit obligé de faire. En s’en retournant à ſa Tente, il rencontra Aglatidas & Ligdamis qu’il apella, & qu’il mena aveque luy : afin de leur aprendre, comme à des gens qui avoient l’ame tendre & paſſionnée, ce qui luy venoit d’arriver. N’admirez vous point (leur dit il, apres leur avoir raconté en peu de mots les choſes les plus eſſentielles du recit d’Orſane) l’opiniaſtreté de la Fortune à vouloir touſjours que toutes mes advantures ayent quelque choſe de particulier, & qui me diſtingue de tous les autres malheureux qui ſont au monde ? En effet ne voyez vous pas qu’elle n’a pas encore trouvé que ce fuſt aſſez que j’euſſe des Rivaux que je pouvois regarder comme mes Ennemis & les haïr, ſans choquer la generoſité ; & qu’elle veut pour m’accabler davantage, que j’en