aye un qui devienne mon Amy ; à qui je donne Aſile dans mon Armée ; & qui m’aide peut-eſtre à delivrer Mandane, pour me l’enlever une ſeconde fois ? Ce n’eſt pas, adjouſta t’il, que je ne croye tout ce que m’a dit Orſane, de qui la probité ne me peut eſtre ſuspecte : mais apres tout, j’advoüe que quelque deſinteressée que ſoit la paſſion que j’ay pour la Princeſſe Mandane, j’ay pourtant quelque peine à comprendre comment on la peut aimer, ſans pretendre d’en eſtre aimé. Si vous l’aviez offencée comme le Prince Mazare, reprit Aglatidas, je penſe Seigneur que vous trouveriez que quelque amoureux que vous fuſſiez, il vous ſembleroit que ce ſeroit bien aſſez d’eſtre juſtifié pour eſtre content. je le croy auſſi bien que vous, adjouſta Cyrus, mais je croy en meſme temps que des que je ſerois juſtifié, je voudrois quelque choſe de plus : car c’eſt tellement la nature de l’amour de deſirer ; que je croy qu’il faut conclurre que ſi Mazare ne deſire plus, il n’aime plus. Cependant je sçay bien que l’on ne peut pas ceſſer d’aimer Mandane : & je ſuis aſſuré que Mazare eſt touſjours mon Rival. Il paroiſt pourtant aſſez, repliqua Ligdamis, que la generoſité l’emporte preſentement ſur l’amour dans le cœur de ce Prince : puis que ſi cela n’eſtoit pas, il n’auroit ce me ſemble pas delivré le Roy d’Aſſirie, qui eſt ſon Rival auſſi bien que vous. Que voulez vous que je vous die ? reprit Cyrus ; ſi ce n’eſt que tout ce qui m’arrive eſt ſi ſurprenant, qu’il ne me laiſſe pas la liberté de raiſonner juſte. Apres cela, Cyrus s’affligeoit de ce que Mandane n’avoit pas voulu que Mazare la delivraſt : un moment apres il en eſtoit preſques bien aiſe : luy ſemblant qu’il luy euſt eſté honteux qu’un autre que luy l’euſt delivrée.
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