Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/457

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

encore. Je ne l’eus pas pluſtoſt aperçeû, que le montrant à celles à qui je parlois, afin qu’elles ne trouvaſſent pas mauvais que je les quitaſſe ſi bruſquement, je fus au devant de luy : & comme nous n’eſtions pas en lieu où la bien-ſeance permiſt de deſcendre de cheval, parce que cela auroit embarraſſé la promenade des Dames, nous nous embraſſaſmes en aprochant nos chevaux l’un de l’autre. Apres ce premier tranſport de ioyc que nous euſmes en nous revoyant, Hermogene me pria d’aimer Beleſis, comme il pria Beleſis de m’aimer : en ſuitte dequoy nous nous ſalüaſmes Beleſis & moy avec une civilité pleine de franchiſe, qui faiſoit aiſément voir que nous eſtions tous deux diſpoſez à ne refuſer pas à Hermogene ce qu’il ſouhaitoit de nous. Tous nos conplimens eſtant faits, Hermogene qui s’empreſſoit fort a divertir Beleſis, & qui vouloit que le ſejour de Suſe luy pluſt, me demanda ſi toutes les Belles eſtoient ce ſoir là à la promenade ! ſouhaitant que ſon Amy viſt tout d’un coup ce que Suſe avoit de plus beau. Et comme je luy nommay celles qui y eſtoient, & celles qui n’y eſtoient pas ; il ſe trouva qu’une Fille de qualité, nommée Cleodore, qui eſtoit ſans doute une des plus belles de Suſe ne s’y trouva point, dont Hermogene parut en chagrin : & comme je luy demanday d’où pouvoit venir qu’il regrettoit ſi fort celle là, veû que je sçavois qu’il n’en eſtoit pas amoureux ? c’eſt Alcenor, me dit il, que je voudrois que tout ce qu’il y a de belles Perſonnes à Suſe fuſſent icy : afin qu’il s’en pûſt trouver quelqu’une qui donnaſt de l’amour à Beleſis, & qui l’arreſtaſt parmy nous. Si cela eſtoit, reprit Beleſis, vous ne m’auriez nulle obligation du ſejour que je ſerois à Suſe : c’eſt pourquoy j’ame mieux y demeurer par amitié