Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/456

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de faire que le premier inſtant où Beleſis arriveroit à Suſe, fuſt un inſtante plaiſir, il avoit voulu le ſurprendre : & ne luy avoit pas dit qu’il le meneroit par ce lieu là, dont il avoit aſſez entendu parler : neantmoins afin de ne donner pas à ſon Amy le déplaiſir de paroiſtre au milieu de tant de monde en habillement negligé, il fit que le matin dont il devoit arriver le ſoir à Suſe, il s’habilla comme un homme qui devoit aller loger dans une maiſon où il y aurait des Dames : comme en effet il y en avoit chez Hermogene, qui avoit & ſa Mere, & une Sœur. Si bien que Beleſis ſans prevoir l’innocence & agreable tromperie que ſon Amy luy vouloit faire, fut tout enſemble & propre, & magnifique, contre la couſtume de ceux qui voyagent. Mais il s’aperçeut aiſément de l’adreſſe d’Hermogene : lors qu’il ſe trouva au bout de ces grandes Allées, qu’il vit eſtre toutes remplies de ces petits Chariots peints & dorez, dans leſquels les plus belles Dames de Suſe eſtoient : & aupres de qui un nombre infiny d’hommes de qualité, admirablement bien montez, & magnifiquement veſtus, alloient & venoient en les ſalüant. Ce fut donc alors qu’il remercia Beleſis de l’avoir ſurpris ſi agreablement, & de ne luy avoir pas differe un ſi grand plaiſir comme eſtoit celuy de voir tant de belles Perſonnes en un meſme lieu : & de les y voir d’une maniere ſi galante. Apres quoy envoyant tout leur Train par un autre chemin, Beleſis & Hermogene ſe mirent à ſe promener, comme s’ils fuſſent ſortis de Suſe, au lieu de venir d’un long voyage.

Pour moy qui eſtois le plus particulier Amy d’Hermogene, auparavant qu’il euſt connu Beleſis, je fus eſtrangement ſurpris de le voir arriver pendant que j’entretenois des Dames, car je ne l’attendois pas