admirable, principalement à ceux pour qui elle la veut eſtre : c’eſt pourquoy comme vous avez ſans doute tout ce qu’il faut pour eſtre de ce nombre choiſi qu’elle eſtime, je vous conſeille de la voir, & de la voir meſme ſouvent pendant que vous ſerez à Suſe. Quand ce ne ſeroit que par curioſité, reprit Beleſis, je la verray infailliblement : j’ay encore un avis à vous donner, interrompit Hermogene, car il faut que vous sçachiez, que ſi Cleodore n’a changé d’humeur, elle a encore une fantaiſie : qui eſt de faire une notable difference des honneſtes gens de la Cour aux autres : c’eſt pourquoy ſi vous luy voulez plaire, il ne faut pas que vous viviez, en Eſtranger, qui ne veut pas eſtre connu. C’eſt peut-eſtre, reprit Beleſis, qu’elle eſt perſuadée qu’il eſt impoſſible d’eſtre fort honneſte homme, ſans avoir effectivement un certain air qui ne s’aquiert que rarement hors de la Cour. Outre cela, adjouſtay-je, c’eſt que Cleodore ne sçait que dire à ceux qui ne sçavent pas les nouvelles du monde, qu’elle sçait admirablement : de ſorte, reprit Beleſis, que pour plaire à Cleodore, il faudra que je m’inſtruiſe de cent mille choſes dont je n’ay que faire. Il le faudra ſans doute, repris-je, ſi vous voulez qu’elle vous parle long temps : ſi ce n’eſt que vous ayez quelque privilege particulier.
Voila donc, Seigneur, comment Hermogene & moy fiſmes connoiſtre Cleodore à Beleſis : qui fut reçeu chez ſon Amy, avec beaucoup de magnificence. Le jour ſuivant Hermogene fut chez le Roy & chez le Prince de Suſe qui eſtoit alors, & y mena Beleſis, de qui le Nom n’eſtoit pas inconnu à ces Princes : car ſon Pere avoit autrefois eſté aſſez long temps à Suſe. Apres cela, deux ou trois jours ſe paſſerent à recevoir les viſites qu’